TEST 15 JOURS

“Les médias doivent s’unir à l’échelle mondiale pour faire face à la concurrence de Google et Facebook”

François-Xavier Préaut, directeur général France d'Outbrain, estime que les tentatives de régulation ou les alliances locales entres éditeurs, bien que nombreuses et actives, seront insuffisantes pour regagner des parts de marché face aux GAFA, et qu'une approche collective internationale doit être privilégiée.

Par . Publié le 14 janvier 2021 à 18h46 - Mis à jour le 15 janvier 2021 à 16h59

La vente de publicité en ligne est l’une des premières sources de revenus du secteur des médias. Mais elle est phagocytée par Facebook et Google qui accaparent l’immense majorité du marché. Les éditeurs, déjà en crise, sont plus que jamais sous pression. Il est urgent de réagir pour leur permettre de reconquérir le fruit de leur travail.

Une réglementation inefficace

Malgré un boycott de centaines de marques durant plusieurs mois en 2020, suite à une controverse autour de sa modération des contenus, et un dépôt de plainte de la justice américaine pour pratiques anticoncurrentielles, Facebook a clôturé le troisième trimestre 2020 avec plus de 21 milliards de dollars de chiffre d’affaires. De son côté, Google est poursuivi par le ministère de la justice américain, les autorités chinoises, et l’autorité de la concurrence italienne pour pratiques anticoncurrentielles, notamment en matière d’activités publicitaires. Pourtant, sa capitalisation boursière est en hausse de plus de 20 % en 2020.

En France, des associations de médias sollicitent régulièrement l’Autorité de la concurrence pour faire respecter l’application de la loi. Sans succès à ce jour. Et il y a fort à parier que l’apparente volonté de Google – sous pression du gouvernement – à négocier avec les éditeurs français ne sera qu’un leurre.

“Les éditeurs médias remettent leur destin entre les mains de ceux-là même qui les menacent”

Au niveau européen, le Digital Market Act présenté par la Commission européenne en décembre vise à réglementer la concurrence sur le numérique, responsabiliser les contenus héberger par les plateformes pour établir des rapports plus sains et plus loyaux avec leséditeurs médias. Mais là encore, il ne serait pas étonnant que les deux « gate keepers » parviennent à la contourner.

À vrai dire, la réglementation, qu’elle soit française, européenne ou internationale, ne parvient pas à ce jour à renverser la situation. En matière de publicité, Facebook et Google possèdent désormais 85% des budgets des annonceurs, et rendent ainsi exsangues les éditeurs. Pourtant, si ces derniers n’en étaient pas empêchés, ils auraient largement les moyens de regagner la place qu’ils méritent sur le marché.

Une trop grande hétérogénéité des médias

Puisque la réglementation ne suffit clairement pas, la solution doit être trouvée ailleurs. C’est-à-dire chez les éditeurs eux-mêmes, qui, en se rassemblant autour de leurs défis communs, doivent s’unir pour affronter cette concurrence déloyale. Certaines initiatives de ce type existent à un niveau local, mais elles peinent toujours à fédérer l’ensemble des acteurs à un niveau supérieur, international. C’est pourtant la seule échelle à hauteur de laquelle les médias pourraient réellement lutter contre Facebook et Google. Divergences d’intérêts et visions court-termistes liées à un contexte économique tendu n’ont pour l’instant pas permis de concrétiser ce type d’initiative.

Chaque éditeur utilise actuellement des formats publicitaires et des expériences utilisateurs hétérogènes, et travaillent avec des partenaires de collecte de données dont les technologies sont variées. Aucun d’entre eux ne fait donc le poids face aux formats hyper engageants, aux technologies de pointe, et aux produits publicitaires harmonisés à l’échelle internationale de Facebook et de Google. Pire, les médias sont devenus dépendants de leurs technologies, en utilisant leurs nombreux outils éditoriaux et publicitaires ou pour élargir leurs audiences. Ils remettent ainsi leur destin entre les mains de ceux-là même qui les menacent.

Réunir les médias grâce à un intermédiaire neutre

Pour sortir de cette impasse, il existe une issue. Celle de confier ce rassemblement à un acteur externe, davantage neutre que Google et Facebook, dont les intérêts sont bien sûr concernés, mais surtout, convergent avec ceux de tous les médias. Il est en effet nécessaire, et urgent, de transformer le modèle économique publicitaire, en réunissant tous les médias du monde entier dans un cadre où leurs différences d’intérêts ne comptent plus. C’est-à-dire avec pour seul objectif de retrouver une autonomie publicitaire, et donc financière.

Or, si demain le New York Times, CNN, Sky News, Le Monde, l’Équipe, La Tribune, Le Figaro, El Pais, ou encore Der Spiegel, décidaient d’unifier leurs inventaires et la qualité de leurs contenus, ils seraient assurément en mesure de pouvoir proposer aux annonceurs une offre publicitaire équivalente, voire supérieure à celle de Facebook et de Google. Les publicitaires disposeraient en effet d’un volume international de pages vues gigantesque, d’un environnement totalement “brand safe”, d’audiences de qualité parce que très engagées, le tout à un coût moins élevé que celui imposé par les deux géants de la Silicon Valley.

C’est forte de cette union que cette fédération d’éditeurs pourra imposer ses règles au marché et booster la performance économique de tous ses membres.

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