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Grazia stoppe son hebdomadaire papier : quel est son projet numérique ?

La crise sanitaire a accentué des difficultés préexistentes. Reworld Media stoppe la version hebdomadaire de son magazine féminin et vise un renforcement de l'offre en ligne avec une équipe amoindrie. Des départs auront lieu.

Par Jean-Michel De Marchi. Publié le 17 juin 2020 à 18h08 - Mis à jour le 02 décembre 2021 à 10h52

Les conséquences de la crise sanitaire sur la distribution de la presse et la publicité font une première victime parmi les titres de magazines, avec la fin annoncée du féminin Grazia en format hebdomadaire. Un plan de sauvegarde de l’emploi (PSE), présenté en interne le 17 juin, prévoit en lieu et place de l’hebdomadaire un développement numérique et des événements, auquel s’ajouterait une ou plusieurs éditions magazines événemen­tielles par an.

Le projet prévoit la suppression de 16 postes sur les 17 actuellement dédiés au papier pour Grazia et d’autres postes sur des fonctions support au sein du groupe (15 en plus, selon Le Monde), auxquels s’ajoutent des recours moindres au réseau de collaborateurs externes, notamment pigistes. Le développement numérique sera réalisé par une équipe de six personnes qui a été  étoffée ces derniers mois.

Grazia, lancé en France en 2009 et positionné sur un cœur de cible femmes 30-45 ans urbaines et CSP+, subit le déclin global de la presse papier année après année, qui affecte particulièrement la presse féminine : le secteur affichait – de nouveau – une diffusion payée en France en baisse de 5,5 % en moyenne en 2019, selon l’ACPM. Les revenus publicitaires papier de ce secteur sont eux aussi fortement en baisse.

Reworld Media, qui a acquis le titre Grazia dans le cadre du rachat de Mondadori à l’été 2019, a hérité d’un modèle en déclin, pas assez digitalisé. Selon la direction du groupe, la crise sanitaire a accentué ses difficultés. “Nous faisons deux cons­tats : premièrement, le secteur de la presse papier dédiée aux femmes est en déclin année après année – et le début d’année a confirmé ce constat – et deuxièmement, la crise sanitaire depuis mars a aggravé les difficultés du modèle avec un retrait des annonceurs, indique Elodie Bretaudeau-Fonteilles, directrice exécutive de la régie publicitaire Reworld Media Connect. 

La diffusion payée de Grazia a diminué d’un tiers entre 2015 et 2019, selon l’ACPM : de 165 000 exem­plaires par numéro en moyenne à 109 000.

 

                                         chiffres ACPM

 

Plus que d’autres publications, Grazia, que Reworld Media a acquis à l’été 2019, est fragilisé par un modèle économique insuffisamment diversifié ces dernières années : 95 % de ses revenus sont encore issus du papier.

De nouvelles offres en ligne

“Les perspectives que nous avons ne laissent pas entrevoir de reprise sensible de la publicité en presse féminine avant septembre”, poursuit Elodie Bretaudeau-Fonteilles, tout en insistant sur la volonté du groupe de développer l’offre numérique, dont le potentiel pour Grazia est jugé inexploité jusque-là.

Alors que dans le secteur des féminins, Condé Nast a mis fin début 2020 à sa publication Glamour en France à la fois sur papier et en ligne (lire notre décryptage chiffré publié en janvier), Reworld Media va en effet tenter de relancer Grazia sur le numérique.

Une première étape a été franchie depuis le rachat du titre en août, avec un trafic en ligne en hausse de 11 % en un an selon l’ACPM (5,4 millions de visites sur ses sites fixe et mobile en mai 2020, contre 4,8 millions en mai 2019) et un engagement accru de 144 % (27 millions de pages vues en mai 2020 sur ses sites, contre 11 millions en mai 2019, soit 5 pages vues par visite, contre 2,2 en moyenne au printemps 2019).

Evolution des visites et des pages vues
sur les sites fixe et mobile de Grazia sur 12 mois
 

 

Le projet numérique s’appuiera sur le nouveau site lancé en février, présenté comme mieux construit et optimisé pour le référencement. “Les contenus seront plus nombreux et plus diversifiés. Nous voulons renforcer nos liens avec notre communauté en utilisant différents supports : nos espaces numériques, mais aussi les réseaux sociaux, le podcast, la vidéo, ainsi que des événements et un magazine dont la périodicité variera et qui sera plus intemporel, avec des contenus comprenant des formats longs et plus haut de gamme”, indique Véronique Philipponnat, directrice de la rédaction.

Grazia veut donc avoir une présence accrue sur les réseaux sociaux, où le titre est suivi par plusieurs centaines de milliers d’internautes, particulièrement sur Instagram, Facebook, Pinterest, notamment via le format vidéo, avec le développement parfois de contenus en direct : des séances de yoga, des concerts de musique et des recettes de cuisine. Cinq podcasts devraient également voir le jour (conseils mode et beauté, yoga et méditation, astrologie, développement personnel, récits personnels). L’idée étant de développer à chaque fois des formats monétisables auprès des annonceurs.

L’objectif est de passer d’1,6 million de VU mensuels Médiamétrie sur ses espaces propriétaires à 4 à 5 millions d’ici 12 mois. La stratégie de connaissance client ne prévoit pas, dans l’immédiat, de modèle payant en ligne, ni même de login obligatoire, mais un développement des audiences pour combler le retard existant, en appliquant une logique CRM via un renforcement du levier newsletter.

Dévéloppement d’événements

Pour compléter l’offre numérique, trois événements sont envisagés via lesquels les lectrices pourront rencontrer des personnalités ou des experts de Grazia : autour de sujets sur la confiance en soi et le développement personnel (“Grazia power day”), autour de conseils et bons plans en mode et beauté (“Grazia personal shopping”) et autour de la “reconnexion avec la nature” (“Grazia urbain nature”)

Une ou plusieurs éditions papier pourront également être produites chaque année (le chiffre n’est pas arrêté) en fonction de grands événements et/ou de l’intérêt des marques. Ses contenus seront radicalement différents de ceux présents dans Grazia jusque-là, “plus qualitatifs” selon la direction, avec des formats longs et des sujets plus profonds, sur des tendances sociétales et voulant donner matière à réflexion. Un premier numéro est annoncé pour octobre.

Le nouveau projet doit reposer sur une rédaction numérique de six personnes – qui produit 12 à 18 contenus chaque jour sur la mode et beauté, bien-être, lifestyle… – et sur un réseau de journalistes indépendants et des agences de contenus, comme le groupe en sollicite déjà pour différents titres.

Alors que le papier constituait presque l’intégralité  des revenus – héritage de la période Mondadori – l’objectif est de parvenir à un modèle plus équilibré – celui appliqué aux autres titres du groupe Reworld – avec un tiers des revenus issu de la publicité papier, un tiers du numérique et un tiers de l’événementiel ; la bonne tenue de ce dernier levier étant conditionné par l’évolution du contexte sanitaire.

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