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Grégory Pascal (SensioGrey) : “La crise va amener les agences à redéfinir leur organisation et leurs expertises” 

Le président fondateur de l'agence digitale SensioGrey, aujourd'hui détenue par WPP, également président de la commission digitale de l'AACC, met en relief les bonnes et mauvaise pratiques des annonceurs dans la gestion de la crise avec les agences. Il prévoit également des évolutions importantes dans l'organisation interne des agences du fait du télétravail amorcé ces deux derniers mois.

Par Jean-Michel De Marchi. Publié le 17 mai 2020 à 16h53 - Mis à jour le 11 janvier 2021 à 10h46

En quoi la crise change-t-elle déjà les relations entre agence et annonceur ?

Evidemment le contexte a des conséquences sur les revenus de toutes les agences, mais il y a beaucoup de disparités selon leur activité et l’impact que peut avoir la crise sur les clients. Les agences événementielles et de production sont très, très durement touchées. Nous avons au sein de l’AACC des échanges très étroits avec l’UDM, qui s’est engagé fortement pour sensibiliser les annonceurs à maintenir leurs investissements à chaque fois que c’est possible et à respecter leurs partenaires, notamment les agences, et on ne peut que la féliciter pour cela. Mais au niveau opérationnel, il y a malgré tout des relations tendues avec une partie des annonceurs. Il y a eu des renégociations unilatérales des contrats, très fortement à la baisse et souvent sans contrepartie, des ruptures unilatérales, des remises en compétition… elles savent que les procédures sont longues.

Ce genre de pratiques ont été appliquées y compris par certaines grandes sociétés soutenues par des aides des pouvoirs publics. Il faut que les entreprises gardent une certaine cohérence ; quand elles perçoivent un soutien de l’Etat, elles doivent avoir de bonnes pratiques avec leurs partenaires et fournisseurs. On peut comprendre que la situation crée des difficultés pour les annonceurs, mais il faut faire des efforts, garder un équilibre, discuter. Il y a d’ailleurs une commission de conciliation mise en place par le ministère des finances.

A l’inverse, des marques ont joué le jeu et ont été très loyales, avec des avances d’honoraires versées à leurs agences par exemple, ou une engagement renforcé sur la durée. Il faut aussi les saluer. Citons notamment le directeur de la communication du groupe BNP Paribas, Bertrand Cizeau, qui est aussi à l’initiative d’un groupe de travail avec toutes les associations de la communication, les régies, l’UDM, l’AACC, etc., pour convenir d’un discours global et encourager et partager les bonnes pratiques. Il y a également eu L’Oréal qui a pris plusieurs décisions pour soutenir les agences avec des avances de trésorerie.

Quels seront les effets de la crise ces prochains mois dans les rapports avec les annonceurs ?

Il sera difficile pour beaucoup de marques de s’engager sur le longs terme. Il va y avoir une accélération des fonctionnements au projet et au forfait, pour des missions ponctuelles et de court terme. Ce sera très difficile pour les agences, avec des effets de dumping et une paupérisation d’une large partie du secteur. Cela peut aussi supposer de nouveaux modes de coopération ; les agences devront s’adapter, mais ce sera plus difficile pour celles déjà fragiles économiquement.

Il y a également un vrai sujet concernant les jeunes apprentis : les agences ont un certain nombre de contrats d’apprentissage. La question du maintien de ce type de contrat se posera forcément pour bon nombre d’agences. Il y a un risque pour ces jeunes et à moyen terme pour les écoles d’apprentissage, dont le financement repose sur leurs contrats. A long terme, les agences pourraient en pâtir. Les trois-quatre prochaines semaines seront importantes : s’il n’y a pas de deuxième vague épidémique importante et si la reprise économique atteint un bon niveau, ce serait un signal positif. Beaucoup d’agences sont capables de supporter un très mauvais trimestre ou quadrimestre, très peu sont capables de surmonter une période de six ou neuf mois comme celle-ci.

Que va changer la crise pour les agences à long terme ?

Avec nos clients annonceurs, il n’y aura pas de rupture profonde mais une accélération des tendances existantes. il y aura sans doute encore une diminution des honoraires et une baisse des contrats internationaux en faveur de contrats locaux. Avec sans doute moins d’agences sollicitées, ce qui pourrait profiter aux agences généralistes. Il y aura aussi des opportunités, notamment pour les agences digitales qui devraient pouvoir s’appuyer sur la digitalisation accélérée des usages ces deux derniers mois, avec l’explosion des outils de travail, de la consommation en ligne, de la communication.

Il pourrait y avoir en revanche une rupture dans l’organisation au sein des agences. Je pense que la crise et le télétravail ces deux derniers mois amèneront les agences à redéfinir leur organisation et leurs expertises, ce qui doit être à l’intérieur ou à l’extérieur. Il faudra peut-être passer d’une représentation physique de l’agence (des bureaux, des contrats de travail, des contrats de prestation…) à une représentation par projets, en s’appuyant beaucoup plus sur un réseau de talents réunis autour d’un projet d’entreprise et des valeurs, constitué de contrats indéterminés mais aussi davantage de freelances et des salariés à temps partiel, sollicités pour des projets ad hoc sur lesquels ils sont les plus efficaces.

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